ERIK THOR SANDGBERG Receptivity detail 2011 version 2

Ma mère  va  être contente.

Je lui avais dit que je sortais cueillir des baies et qu’il fallait qu’elle veille sur l’urne, parce que je partais pour un bon moment.

Après avoir marché et cueilli un plein panier, j’ai ôté mes souliers et trempé mes pieds dans l’eau claire d’un ruisseau, que j’ai remonté pendant un certain temps. Puis je me suis assise sur l’herbe verte et épaisse, dans une trouée de soleil pour laisser sécher mes jambes. Je n’étais jamais allée aussi loin de chez nous. Je savais que je ne retrouverais pas mes souliers, ni mon panier.

L’air était vraiment doux, j’ai fermé les yeux et je me suis endormie.  J’ai rêvé que je volais au-dessus des prairies et des forêts, j’étais bien, et les paysans avaient peur de moi et me poursuivaient avec leurs fourches et leurs cris, et je riais.  

Quand j’ai ouvert les yeux, les ombres sombres avaient envahi la forêt, et les oiseaux d’étaient tus. Seuls quelques bruits qui furetaient encore dans les fourrés.  En face de moi, une chouette chevêche me fixait et j’ai décidé de reprendre ma marche. Elle s’est envolée silencieusement puis s’est posée sur un chêne têtard plus loin et j’ai voulu la suivre. Elle s’est envolée à nouveau, toujours en silence, et je me suis retrouvée seule.

Les ombres sombres me suivaient maintenant, ou me précédaient, en s’enroulant parfois dans des étoffes de brume luminescentes. A un moment, une colonie d’amanites rouges a surgi du sol, juste devant mes pieds, et j’ai chuté dans la mousse humide, et je n’arrivais plus à me relever, comme si l’humus voulait me garder et m’absorber.

Pour me rassurer, j’ai chantonné la chanson que m’a apprise ma mère et qui parle d’une femme qui attend son amoureux parti à la guerre. Mais je ne me souvenais plus de la fin. Peut-être une histoire de mort où elle dansait avec son fantôme à la fin ?

Quand je me suis relevée, la chouette chevêche était à nouveau là et je l’ai suivie. J’ai marché longtemps, curieusement je n’étais plus fatiguée et quand je suis arrivée au sommet de la montagne, au moment même où il a fait jour à nouveau, ils m’attendaient tous là, et leurs pépiements m’ont rempli le cœur de joie.

Je suis sûre que l’âme de mon amoureux est dans l’un d’entre eux.