ANDRE WYETH Christina's world 1948

Il a reculé la maison.

C’est un sadique. Il sait que j’ai du mal à marcher et il a reculé la maison pendant que je dormais dans l’herbe.

Pourquoi me fait-il du mal ? Je l’aime comme je n’ai jamais aimé un homme, et il m’abandonne.

Il m’a accueillie dans sa maison, nos corps se sont liés plusieurs fois, et c’était une rivière qui nous emportait tous les deux, nous nous abandonnions avec avidité à son courant, nos bouches et nos langues ne pouvaient se quitter….

J’ai toujours aimé dormir dans l’herbe. Les criquets ne me font pas peur lorsqu’ils bondissent sur moi. Je peux les entendre parler pendant des heures et parfois je me mélange avec eux. J’enroule mes cheveux dans mes avant-bras que je frotte l’un contre l’autre pour produire le même crissement qu’eux.

Il est dans la maison et il pense à moi. Peut-être qu’il m’observe par la fenêtre.  Il me regrette, je n’aurais pas dû partir si loin. Ce n’est pas lui qui l’a voulu. C’est la maison. Elle a reculé et il est resté enfermé dans la maison pendant que je dormais dans l’herbe sèche.

C’est déjà la fin de l’été et je n’ai pas vu partir les criquets.

Fais-moi un signe au moins s’il-te-plaît.