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Roi de l'univers Misérable vermisseau
25 mai 2021

JACQUES MONORY Couleur n°1 2002

Couleur-n1_Jacques-Monory 2002

Quand on parle de l’année prochaine, les diables se mettent à rire.

Avec Laurie, on avait choisi la vie à 100 à l’heure, même si c’était pour foncer dans le mur.

Tu me trouvais trop lent. « Trop lent, Bart, moi je veux vivre vite ! ». Tu me disais « Décide-toi à vivre, Bart ». La maison de correction, l’armée, j’avais assez payé, maintenant c’est eux qui devaient raquer.

Et le mur, je savais qu’on allait se le prendre. Mais moi, du moment que c’était avec toi, j’étais partant.

Et toi aussi, tu avais pris des coups toute ta vie. C’était à ton tour de cogner, disais-tu.

Braquer des banques  plutôt que des cibles dans les fêtes foraines, ça a été ton idée. J’ai suivi.

Les guns, les banques, la cavale.

Tu accrochais fantastiquement la lumière, le blond platine de ta chevelure dans le noir.

« I told you i was not good »

Putain que tu  aimais ça les  guns.Tu les aimais plus que moi en fait.

« J’espère qu’on va trouver une place de parking ! » Qu’est-ce que je t’avais fait rire, c’était pour la banque de Hampton, je crois.

 Ce que j’aimais, c’était juste après, quand on fuyait dans la voiture et que tu te serrais contre moi, tremblante d’excitation.

Nous étions inséparables comme un revolver et ses balles.

Une fois dans l’engrenage,  on ne pouvait demander de l’aide à personne, notre vie durant, on était seuls, pour toujours.

Pourtant, je ne voulais pas être un tueur.

Et notre fuite finale dans les marais de mon enfance. « Je suis à bout de souffle. Je n’irai pas plus loin ». Ton regard est devenu dur. Tu as sorti ton revolver. « Je vais les tuer ! je vais les tuer ! » Je te gifle et je te demande d’arrêter. « Allons encore un peu plus loin, rien qu’un peu plus loin ». Bande-son lugubre avec le croassement des crapauds et les aboiements des chiens de meute, au loin.

Ton visage se tourne vers moi :  « On est mal partis cette fois ». Je te réponds : « Quoiqu’il arrive, je ne regrette rien. ». Gros plan sur notre baiser pleine bouche. On sait tous les deux que c’est peut-être le dernier.

Et quand Dave  et le shérif s’approchent, et que tu veux les tuer, « No No Laurie !!! , c’est moi qui te tue, juste avant qu’ils m’abattent ». Plongée sur nos deux corps côte-à-côte, et travelling arrière : la caméra s’éloigne et nous perd de vue  dans  la brume des marais. Violons crescendo.  THE END

Gun Crazy, de Joseph H Lewis, 1950 avec Peggy Cummins et John Dall. Peggy Cummins dans le rôle de Laurie, John Dall dans celui de Bart.

 

Voilà, tu meurs à la fin du film, Laurie,  mais  tu renaissais à chaque fois que je le revoyais. Et le blond platine de ta chevelure  éclaboussait  de lumière encore une fois mes pauvres nuits.

J’aurais tellement moi aussi voulu être acteur.

Je vais bientôt mourir, ici, pour de vrai, et il n’y aura plus personne pour rembobiner le film de notre histoire.

 Adieu Laurie.

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